Dès leur plus jeune âge, les enfants sont exposés à une multitude de stéréotypes de genre qui influencent leur développement et leur perception d’eux-mêmes. Les filles, par exemple, sont souvent orientées vers des jouets comme les poupées ou les cuisines miniatures, tandis que les garçons reçoivent des voitures, des dinosaures ou des outils. Les compliments eux-mêmes trahissent ces biais : on dira à une fille qu’elle est "jolie" ou qu’elle porte une "belle robe", alors qu’un garçon sera encouragé pour sa force ou ses compétences avec des phrases comme "Tu es fort" ou "Bravo pour ton château". Même les activités sportives n’échappent pas à ces attentes genrées : le football et les arts martiaux sont perçus comme des sports pour garçons, alors que la danse et la gymnastique restent associés aux filles.
Dans une société où ces distinctions influencent encore largement les comportements et les opportunités, certains parents choisissent de déconstruire ces normes dès les premiers jours de vie de leur enfant. Claire et Aurore, deux jeunes mamans, ont décidé d’élever leur enfant sans lui attribuer de genre prédéfini, afin de lui offrir une liberté totale dans la construction de son identité. Leur démarche, audacieuse et réfléchie, questionne les codes traditionnels et ouvre le débat sur l’éducation non genrée.
Un choix de société avant tout
Le choix de ne pas attribuer de genre à leur enfant n'est pas né d'un coup de tête, mais plutôt d'une réflexion nourrie par des lectures sociologiques. Claire, passionnée par la lecture, a plongé dans des ouvrages qui abordent la question du genre, tandis qu'Aurore, plus militante, défend depuis longtemps l'idée d'un monde sans les contraintes imposées par les normes de genre.
"En donnant un genre à un enfant, on façonne déjà son identité sans lui laisser l'espace de se découvrir", explique Aurore. Ce choix a pour but d'offrir à leur enfant la liberté de se développer et de s'épanouir sans être enfermé dans les attentes sociétales liées à un genre spécifique.
Elle poursuit en soulignant que les attentes sont particulièrement marquées par des stéréotypes bien ancrés. "Un garçon, par exemple, a le droit de crier, de se montrer agité, et même d'être un peu plus bruyant dans l'espace public, ce qui est souvent perçu comme normal. En revanche, une fille se voit généralement encouragée à être plus calme, plus sage, à ne pas faire de bruits, à s'exprimer de manière mesurée."
Ces différences vont au-delà des jeux et des jouets. "Un garçon sera souvent complimenté pour sa force, son courage, ou sa taille, et cela contribue à renforcer des idées de virilité et de domination physique. Au contraire, une fille sera félicitée pour son apparence, sa beauté ou son comportement 'affectueux', et ce genre de compliment façonne son rapport à la perfection extérieure et aux attentes sociales," ajoute Aurore.
Des réactions variées de l'entourage
Ce choix a bien sûr des conséquences sur leur entourage. Claire et Aurore évoluent dans un milieu principalement queer, où l'accueil de leur décision est très positif. "Nos amis sont assez ouverts, et ils disent même qu'E. a de la chance de grandir dans un environnement aussi libéré des stéréotypes," confie Claire.
Du côté de leur famille, le constat est mitigé. "C'est un peu compliqué avec certains membres de la famille. La différence de génération rend difficile la compréhension de notre démarche," explique Aurore. Cependant, la plupart des proches finissent par respecter leur décision ou choisir de genrer E. selon ce qu'eux-mêmes préfèrent.
Les défis du quotidien : une administration genrée et des choix à faire
Le choix de ne pas assigner un genre à leur enfant n'est pas sans difficultés pratiques. Les tâches quotidiennes sont marquées par une difficulté à naviguer dans un système fortement genré, qu'il s'agisse des vêtements ou des démarches administratives.
"En ce qui concerne les vêtements, ce n'est pas vraiment un problème. Nous ne nous interdisons pas de choisir des vêtements genrés, mais nous faisons en sorte de les choisir de manière aléatoire. Cela peut être une robe rose ou des vêtements dits de 'garçon'."
L'avenir : les défis à venir et la liberté d'auto-détermination
Aurore et Claire sont conscientes que leur décision pourrait entraîner des défis à l'avenir, notamment à l'école. "Nous appréhendons la difficulté d'adaptation des institutions dans le cas où notre enfant choisirait un genre qui ne correspond pas à son sexe assigné à la naissance," expliquent-elles. Mais le couple reste optimiste : "E. pourra choisir son genre, et nous serons là pour la soutenir dans cette démarche."
Une philosophie d’éducation centrée sur l'auto-détermination
Au cœur de leur démarche, l'éducation d'E. repose sur l'idée d'auto-détermination. Claire et Aurore souhaitent que leur enfant ait la possibilité de se forger une identité propre, libre de toute contrainte imposée par la société.
Un engagement pour l'avenir
Claire et Aurore, à travers leur choix, ouvrent la voie à une réflexion plus large sur la place du genre dans notre société. "Ce choix tiendra le temps qu'il tiendra. Nous espérons que cela encouragera d'autres parents à réfléchir à la façon dont le genre est imposé à leurs enfants."